20/12/2025
"La langue française va mal", écrit l'Agence France-Presse. Prévenir et réprimer l'usage abusif et la propagation des anglicismes. "Étouffé par l'anglo-américain", le français "voit désormais son usage même évincé par cette dernière langue devenue si peu étrangère".
Pétition déposée à l'Assemblée nationale en 2023 (archivée)
Devant les constats :
Cette pétition souhaite susciter une réaction :
La pression de l'anglo-américain, qui se substitue uniformément au lexique précis et nuancé à notre disposition, aboutit à une uniformisation et à un appauvrissement de la pensée. Elle est devenue une réelle menace pour notre culture et notre indépendance. Il est plus que temps d'en prendre acte et d'y remédier dans la légalité.
Dans un manifeste publié en 2019, 100 personnalités de 25 pays ont demandé au président français Emmanuel Macron de "protéger la langue française du colonialisme anglo-américain".
"La langue française va mal", écrit l'Agence France-Presse, reprenant une phrase du document de plaidoyer publié par le journal "Le Parisien/Aujourd'hui".
"Étouffé par l'anglo-américain", le français "voit désormais son usage même évincé par cette dernière langue devenue si peu étrangère", écrivent les signataires du manifeste.
Des artistes, des enseignants et des scientifiques, dont le chanteur français Pierre Perret, le sociologue suisse Jean Ziegler, l'écrivain français Didier Van Cauwelaert et le Franco-Marocain Tahar Ben Jelloun font partie des auteurs du manifeste.
L’usage des anglicismes a triplé depuis 1950
La langue française, depuis la seconde moitié du XXème siècle, est marquée par un usage accru d’anglicismes, c’est-à-dire d’emprunts faits à la langue anglaise pour exprimer quelque chose dans la langue de Molière.
Il existe plusieurs facteurs de diffusion des anglicismes dans la langue française :
La mondialisation a facilité les échanges économiques, politiques et culturels entre les pays. Les entreprises multinationales ont ainsi de plus en plus tendance à diffuser leurs messages en anglais.
L’hégémonie américaine a peu à peu imposé l’anglais comme langue mondiale dominante. Le Plan Marshall de 1948, programme d’aide économique des États-Unis pour aider l’Europe à se reconstruire, exige que les pays européens diffusent au moins 30 % de la production annuelle des films d’Hollywood, contribuant à la diffusion d’expressions anglophones.
L’importance croissante des nouvelles technologies a entraîné une modification de notre vocabulaire. Dans le domaine de l’informatique et de la communication, dominé par la Silicon Valley américaine, les innovations ont été accompagnées d’un vocabulaire technique anglais.
L’impuissance des pouvoirs publics à lutter contre le phénomène
Pour lutter contre ce phénomène, l’Académie française tient une liste des anglicismes les plus utilisés dans la langue de Molière.
FranceTerme est une base de données de la délégation générale à la langue française et aux langues de France du ministère de la Culture français. Elle recense des nouveaux mots approuvés par la Commission d’enrichissement de la langue française en remplacement de termes étrangers, en particulier les anglicismes. Son objectif est de promouvoir l’utilisation de mots français plutôt que de termes étrangers.
Mais malgré ces initiatives, la diffusion des anglicismes progresse au sein des élites politiques, économiques et médiatiques de France. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, semble d’ailleurs acter son impuissance en la matière :
Dans l’état actuel du droit français, une terminologie légale officielle ne peut être imposée aux services de télévision et de radio, qu’ils soient publics ou privés, et rien n’interdit le recours dans les programmes audiovisuels, comme au sein des écrans publicitaires, à des termes ou expressions étrangers entrés dans le langage courant (airbag, live…), quand bien même ceux-ci posséderaient un équivalent français.
Pour ce qui est de l’emploi fréquent d’anglicismes, le Conseil constitutionnel autorise le libre emploi de mots étrangers. Il a déclaré dans une décision du 29 juillet 1994 que « [la liberté de communication et d’expression] implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée ; […] la langue française évolue, comme toute langue vivante, en intégrant dans le vocabulaire usuel des termes de diverses sources, qu’il s’agisse d’expressions issues de langues régionales, de vocables dits populaires ou de mots étrangers ».
Conseil Supérieur de l’Audiovisuel
La presse diffuse de plus en plus d’anglicismes. La presse écrite n’est pas en reste. Une étude menée par Chesley (Lexical «borrowings in French : Anglicisms as a separate phenomenon », Journal of French Language Studies, volume 20, no 3, 2010) a examiné l’utilisation des anglicismes dans les articles de deux journaux français, Le Monde et Le Figaro. Elle montre une corrélation entre les anglicismes présents dans les deux journaux, soulignant l’importance de ces emprunts dans la presse écrite française contrairement aux emprunts d’autres langues.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, fondateurs de Gallicagram, ont analysé l’usage des anglicismes dans les colonnes du Monde, journal national de référence en France.
Pour cela, ils ont utilisé leur programme Gallicagram, permettant de représenter graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.
Cette étude a été réalisée à partir de la catégorie « anglicismes » du Wiktionnaire, qui liste un total de 2 536 anglicismes.
Le président français est invité à "montrer l'exemple, en renonçant à l'emploi de l'anglo-américain à l'étranger" et "en renonçant à l'utilisation peu digne de l'anglo-américain en France même".
Ainsi, on observe un triplement de l’usage des anglicismes dans les articles du Monde depuis 1945.
S'inspirer de la pugnacité du Québec
Refusant "l'intronisation de la langue anglo-américaine comme seconde langue officielle de la nation", ils demandent notamment de "mettre un terme au projet sacrilège prétendant dispenser dans les établissements scolaires des cours de matières générales en anglo-américain". "Faute d'avoir su précéder le Québec comme référence mondiale pour la défense du français, du moins sachons nous inspirer de sa pugnacité et abandonner nos comportements serviles", concluent les Cent.
Article du site "lalanguefrançaise.com"
© Serge Geny